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Photo du rédacteurMatthieu Dubreucq

Le mental

Optimiser l’entraînement, partie 4 : Le mental

(Adaptation en 2022 d’un article publié dans l’édition 21 de Workout Mag en 2018 par Matthieu Dubreucq).


L’aspect mental de l’entraînement est important, mais il le devient encore plus lorsqu’on parle de compétition. Les compétiteurs qui sont «forts» mentalement nous font automatiquement peur et inspirent le respect. Il n’est pas rare d’avoir perdu d’avance lorsqu’on fait face à un athlète qui a un bon mental. Quand on est dans le feu de l’action, il est facile de se dire qu’on n’est tout simplement pas capable de faire telle ou telle performance. On imagine que les autres, eux, le sont grâce à leur mental. Voyons un peu plus en détails comment utiliser nos pensées, notre mental et notre cerveau pour mieux performer.


Regionals 2013, deuxième event de la première journée : un max 3 reps en Overhead Squat. En théorie, mon max 3 reps était de 240 lb (109 kg). Je n’avais jamais réussi 3 reps à 255 lb (115 kg) avant les Regionals. Et il fallait annoncer notre poids de départ. Si on ratait notre premier essai, une disqualification mettait un coup d’arrêt au week-end. J’ai dit à tous mes concurrents que je commencerais à 255 lb, car sinon, je n’avais pas le droit de prétendre aller aux Games. Lorsqu’on me demandait si j’avais réussi un tel poids à l’entraînement, je disais : « je ne l’ai pas essayé à l’entraînement, mais je suis confiant, je réussis toujours en situation de compétition ». Sur le papier, tout risquer lors de la première journée et espérer un PR ne semblait pas être la meilleure stratégie. Mais, dans les faits, j’avais mis de mon côté tous les outils de préparation mentale pour préparer cette barre. Ce n’était qu’une formalité de soulever ce poids au moment de la compétition. Par conséquent, tous mes concurrents m’ont identifié comme un compétiteur dangereux, car j’étais plus fort mentalement que physiquement. Après m’être qualifié presque dernier pour les Régionals, j’ai terminé 5e de ces Regionals. Voici ce que je peux vous dire pour vous aider à maximiser votre performance sur le plan mental.

Je ne suis pas un psychologue sportif, ou neuro-physicien, je tiens juste à partager des observations faites durant les 20 dernières années passées à pratiquer du sport à haut niveau en tant qu’athlète de l’équipe canadienne de voile et CrossFitter qui a participé à 8 Regionals.


Première leçon


Le mental est aussi important que le physique. Contrairement à l’aspect physique, peu de gens entraînent le côté mental. La plupart se disent que c’est une partie de leur personnalité et que c’est immuable. Comme vous le verrez dans le reste de votre carrière sportive, c’est faux. On peut et on doit absolument entraîner le côté mental, ce qui se passe entre les deux oreilles, si on veut atteindre les plus hauts sommets. Ce ne sera pas facile et pour la grande majorité d’entre nous, ce n’est pas inné. La première étape est d’accepter là on est au niveau mental. Et de reconnaître que nos pensées nous influencent et réciproquement. Il faut se rendre compte « qu’on se parle » toute la journée et analyser entre ce qu’on peut appeler notre cerveau (le penseur) et notre corps (le faiseur). Notre corps sait faire, notre cerveau à tendance à douter. Un exemple tout simple : lorsque l’on doit marcher devant une foule pour recevoir un prix, notre corps sait marcher, notre cerveau à tendance à lui compliquer la tâche en disant « ne tombe pas », « marche plus vite, moins vite», «t’es trop tendu», etc. Et tout d’un coup notre corps ne sait plus faire. Donc, le premier outil à notre disposition, c’est la connaissance de cette interaction entre notre cerveau et notre corps. Vous pouvez l’utiliser à votre avantage. Par exemple, si un de vos amis snatch (arrache) très bien aujourd’hui, et que vous lui faites la remarque toute simple «tu snatchs bien aujourd’hui, qu’est-ce que tu as changé ? Ton départ est différent...», il y a de bonnes chances qu’il se mette à rater son prochain essai, car son cerveau se met à interférer avec son corps pour comprendre ce qu’il fait bien. Gardez ce truc pour des moments importants! Mais plus sérieusement, vous pouvez utiliser un «bloqueur» pour laisser votre corps faire. Par exemple, lorsque vous vous mettez à penser trop, vous pouvez vous dire : « Fais-le tout simplement» ou «tu sais le faire» et ne pensez à rien d’autre. Prendre conscience de ce phénomène et avoir la présence d’esprit de laisser son corps faire demandent du temps. Donc, travaillez cet aspect lors de tous vos entraînements !


Deuxième leçon


Faire quelque chose pour la première fois est très difficile et fait souvent très peur à notre cerveau. Combien de fois un athlète rate son clean (épaulé) juste parce qu’on lui dit le poids qu’il y a sur la barre. Ou au contraire, un autre athlète le réussit, car il sait que c’est un poids qu’il a déjà levé. En réalité, la seule différence est le connu versus l’inconnu. Il faut être conscient de ce phénomène. Il faudra donc vivre ces moments plusieurs dizaines voire centaines de fois dans sa tête pour que lorsqu’ils arrivent en vrai, ce ne soit pas quelque chose d’inconnu. Un des outils ici est la visualisation. Il s’agit de faire un «rêve» éveillé avec une situation la plus proche possible du réel pour ensuite la réaliser « pour de vrai » la première fois (mais pour notre cerveau, ce sera la 100e fois). La visualisation peut se faire n’importe où, mais elle sera plus optimale si on peut imaginer avec le plus de sens possible et en temps réel. L’exemple pour un snatch sera d’imaginer prendre la barre, la sensation du pouce et des mains qui recouvrent la barre, puis le placement du poids dans nos chaussures, ce qu’on voit devant nous, s’il y a de la musique ou un bruit de foule, ce qu’on va se dire dans notre tête, ce à quoi on va penser avant le levé, le ressenti du poids sur le premier tirage, la sensation de la barre dans nos hanches, la vitesse à laquelle on bouge, notre feeling lorsqu’on attrape la barre, la sensation de se relever avec la barre. Une façon d’apprendre à visualiser (car c’est comme tout, on devient meilleur avec des exercices et beaucoup de répétitions), serait de d’imaginer comment faire un snatch avec 100 kg mais en tenant une barre de 40 kg. Puis une barre vide, puis un bâton de bois, puis rien du tout. Avec l’expérience, vous pourrez aller jusqu’à vous représenter un AMRAP de 20 minutes en reproduisant toutes les sensations que vous allez avoir et en changeant votre rythme... et vous pourrez faire15 reps de plus !


Troisième leçon


Le cerveau et le corps sont connectés et ne peuvent être traités indépendamment. Notre mental peut calmer notre rythme respiratoire ou cardiaque, mais il peut aussi l’accélérer, ce qui a une grosse influence sur notre niveau d’activation. Il faut apprendre cette relation entre corps et cerveau et savoir quand s’activer ou se calmer avant un gros événement comme le premier WOD d’une compétition. Ainsi, vous pourrez utiliser cette méthode à votre avantage au lieu de subir une situation stressante ou encore rester amorphe lorsqu’il faudrait s’activer. Ce dernier point est complexe. Il faut apprendre à se connaître et connaître nos niveaux d’activations optimales pour chaque tâche. Par exemple, avant un clean, on aura peut- être un niveau d’activation de 80 % alors qu’avant un back squat ce sera 100 % et avant un snatch 65 %. Cela varie selon les athlètes et selon l’expérience. Une fois que l’on appréhende notre niveau d’activation optimal, il faut connaître comment s’activer ou se calmer. En effet, en fin d’entraînement avant un snatch, il faudra peut-être s’activer en faisant une série de respirations rapides, un ou deux petits cris, alors qu’en début de compétition avant un snatch, il faudra sûrement se calmer, car notre niveau naturel plus le stress dépasse notre niveau optimal. À ce moment-là, on optera pour une série de respirations profondes avec de longues expirations et une visualisation d’un paysage calme, ou d’une musique tranquille. Ici, il y a beaucoup de travail à faire pour se connaître. Un des meilleurs outils reste d’avoir un coach, donc une personne extérieure, qui peut se rendre compte que nous ne sommes pas au niveau optimal et nous aider à l’atteindre.

Vous pouvez trouver beaucoup d’outils de préparation mentale dans des livres ou sur internet. Essayez-les, gardez ceux qui ont un impact sur vous et enlevez les autres. Rappelez-vous qu’en situation de compétition, vous aurez peut-être à utiliser des outils inverses à ceux de l’entraînement, car vous aurez un niveau de stress élevé. C’est normal. Comme pour votre entraînement, vous pouvez avoir un petit carnet de vos outils mentaux avec vos pratiques, notes, et impressions. Communiquez vos découvertes à votre coach pour qu’il puisse vous aider au moment opportun. À vous de jouer !





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