Optimiser l’entraînement, partie 1 : L’importance des partenaires d’entraînement.
(Adaptation en 2022 d’un article publié dans l’édition 17 de Workout Mag en 2017 par Matthieu Dubreucq).
Beaucoup d’athlètes se demandent comment faire pour devenir plus performant. Chacun veut trouver la recette magique qui lui permettra de faire plus de handstand push-ups, plus lourd au snatch ou moins de temps sur un entraînement. La vérité, c’est qu’il n’y a pas de secret, juste beaucoup de travail. Mais nous pensons aussi que ce n’est pas nécessairement aussi simple que de se contenter de « beaucoup de travail ». Il faut comprendre que ce ne sont pas juste les heures d’entraînement qui sont importantes si l’on veut se retrouver sur la plus haute marche du podium. Après 15 ans de CrossFit compétitif (2007-2022), j’ai remarqué que ce sont les heures d’entraînement multipliées par l’intensité d’entraînement qui donnent le volume d’entraînement. C’est en optimisant ce volume qu’on peut créer une amélioration de la performance. Ce n’est pas simplement en augmentant le nombre d’heures d’entraînement.
On peut l’écrire simplement comme suit : l’Augmentation de la Performance est proportionnelle au produit des heures d’entraînement (HE) multiplié par l’intensité d’entraînement (IE). Et il faut rajouter un élément : le partenaire d’entraînement. Eh oui, c’est aussi une variable importante !
Si l’on veut augmenter notre performance, il faut donc augmenter le produit HE x IE. Comme toute multiplication, si l’une des deux variables est à zéro, le produit est à zéro. Ce qui veut dire que vous pouvez vous entraîner des milliers d’heures sans intensité et votre augmentation de performance sera nulle (vous atteignez un plafond de performance rapidement). Ou au contraire, vous pouvez mettre le plus d’intensité au monde, mais vous vous entraînez une seule fois par mois, alors là encore votre augmentation de performance sera presque à zéro. Pour la plupart d’entre nous, le nombre d’heures d’entraînement est une variable fixe. Nous avons un emploi, des tâches ménagères, une vie familiale, etc. Cet article va donc vous proposer une piste de solution sur « Comment jouer sur la variable intensité dans le but d’augmenter notre performance comme athlète, et ce, sans jouer sur le nombre d’heures d’entraînement ». Pourquoi ? Parce que bien qu’il soit possible d’augmenter sa performance en augmentant simplement son nombre d’HE et maintenant son IE, il y a des effets secondaires. Augmentation du nombre d’HE dit augmentation du risque de blessure, ainsi que potentielle diminution de l’IE due à un manque de récupération. Dès lors, le but est d’augmenter l’intensité d’entraînement et ainsi augmenter la valeur du produit HE x IE et par le fait même notre performance. Avec l’avantage de ne pas avoir à changer son horaire d’entraînement et à minimiser les blessures. Et devinez quoi, la solution proposée ici, ce sont les partenaires d’entraînement !
La première raison d’avoir un partenaire d’entraînement est le jeu ! Tous les mammifères apprennent en jouant, les bébés tigres, les dauphins, les chiens, etc. Tous passent leur temps à jouer pour apprendre et devenir plus « performants » dans la vie. Ceux qui n’apprennent pas à chasser par le jeu ne peuvent pas survivre dans la vie sauvage. C’est le même parallèle avec un athlète. Pour jouer, il faut être deux ou plus. Ceux qui ne transforment pas leur entraînement en jeu ont plus de difficulté à gérer le stress en compétition. Leurs stratégies ne sont pas aussi bonnes, leurs performances en situation de compétition ne sont pas aussi élevées qu’un athlète qui s’entraîne souvent en groupe.
Il existe toujours des exceptions, mais lorsque vous pensez à un grand joueur dans n’importe quel sport, y compris le CrossFit, il a presque toujours des partenaires d’entraînement pour « jouer ». Le jeu présente plusieurs caractéristiques importantes pour le sportif. La première est qu’il y a très peu de barrières pour démarrer l’activité (on voit rarement des jeunes ne pas vouloir jouer) et il y a beaucoup de barrières à l’arrêt de l’activité (on a plus de mal à décrocher d’un jeu que d’une tâche obligatoire). Cette dernière caractéristique du jeu rend le partenaire d’entraînement d’autant plus indispensable qu’il transforme le « travail » de l’athlète (les heures d’entraînement) en « jeu », donc plus fun qu’une session classique. Qui dit fun, dit plus d’intensité à l’effort, car on aime ce qu’on fait, on ne dit pas « Je dois m’entraîner », mais bien « Wow, dommage que l’entraînement soit fini, c’était fun, vivement demain ». Et, même si c’est un jeu, personne n’aime perdre à un jeu. La défaite ou le goût de cette victoire journalière pousse aussi l’athlète à affiner sa technique et ainsi augmenter sa performance par la même occasion.
La deuxième raison d’avoir des partenaires d’entraînement est la motivation. Très peu d’athlètes ont une motivation constante tout au long de l’année. Combien de fois voyons- nous un nouvel athlète gonflé à bloc après les Open (ou une compétition régional de son sport) puis, l’année suivante, bloqué au même stade parce qu’il n’était plus motivé. Les partenaires d’entraînement sont des individus à part entière et ont des cycles de motivation qui sont décalés les uns des autres. Certains sont motivés à l’approche des compétitions, d’autres en été, d’autres en hiver, peu importe. Le fait d’être dans un groupe pourra permettre à tous de s’auto-motiver dans les moments plus difficiles de chacun.
La motivation est extrêmement importante dans l’intensité. Si on arrive à reculons ou par obligation, l’heure d’entraînement ne vaut pas la même chose que si l’on est porté par les autres et que l’on « veut être là ». Dans le choix des partenaires d’entraînement, c’est un élément à considérer. Nous voulons nous entourer de gens qui nous complètent, pas d’individus qui sont identiques à soi. Si tout le monde déprime en hiver, eh bien, bonne chance pour les Open (compétition de CrossFit traditionnellement faites en février-mars) avec la « dépression collective » ! Combien de fois entend-on des histoires où le groupe a littéralement poussé un athlète à réussir l’impossible. Le pouvoir des autres sur nous n’est pas encore très bien compris, mais dans toutes les sphères de la vie, il est important de s’entourer de gagnants, de gens qui nous motivent, de gens qui croient presque plus en nous que nous-mêmes. C’est la force du partenaire d’entraînement. Plusieurs fois nous finissons par ne pas lâcher la barre juste pour faire une répétition de plus que celui d’à côté. Ce n’est pas rationnel, nous ne pensons pas à savoir si c’est une bonne stratégie, nous sommes juste dans le moment, dans l’intensité de l’entraînement. Régulièrement, on entend des athlètes dirent qu’ils sont courbaturés et qu’ils sont justes là pour faire l’entraînement avec leur ami. « 3-2- 1, Go ! » et pour finir ce groupe d’amis finit par réaliser le meilleur temps de la journée. Les partenaires d’entraînement maximisent votre motivation, laquelle maximise votre intensité.
Une troisième raison d’avoir un partenaire est la connaissance. Un groupe peut attaquer un problème sous plusieurs angles et donc a plus de chance de trouver une solution. Si vous êtes seul à vous casser la tête sur une question type « Comment augmenter un arraché ? », il se peut que ça prenne longtemps. Dans un groupe, on a toujours une paire d’yeux sur nous, ou quelqu’un pour filmer. On peut aussi se partager les tâches pour pouvoir trouver des warm-ups plus adéquats, des étirements, du renforcement, etc. Votre connaissance, ajoutée à la connaissance de votre partenaire d’entraînement, devient une troisième connaissance supérieure à la somme des deux premières. C’est aussi plus utile pour le temps « physique », l’un d’entre vous peut aller à un séminaire, ou événement incompatible avec votre horaire. Même chose de votre côté. Par la suite, vous avez un partage de connaissances qui survient.
Avoir un œil extérieur sur ses mouvements est extrêmement important. Peut-être pensez- vous que vos overhead squats sont bons ? Mais ils ne sont pas assez bas. Mieux vaut s’en apercevoir à l’entraînement que durant une compétition. Peut-être aussi pensez-vous que votre poids est bien placé durant votre squat ? Mais un œil extérieur vous permet de remarquer que vous êtes sur les orteils. En augmentant la connaissance de votre groupe d’entraînement, vous améliorez votre technique et en améliorant votre technique, vous pouvez maximiser votre intensité. Ce n’est pas toujours en poussant fort qu’on avance vite, des fois c’est en poussant mieux.
La quatrième raison est la responsabilité. Lorsqu’on fait partie d’un groupe, on a des responsabilités. Que ce soit formel ou informel, on devient un membre du groupe et le groupe nous apprend à devenir responsable de l’ambiance, de l’intensité et de la qualité des mouvements du groupe. Comme dans l’apprentissage de la vie adulte, apprendre à devenir un athlète passe par la communauté qui nous entoure. Il faut tranquillement apprendre à devenir un athlète responsable. Apprendre qu’on est responsable de l’attitude qu’on amène avec nous à l’entraînement, et que cette attitude influencera le groupe. On est responsable de l’intensité qu’on met dans notre entraînement et donc qui sera mise en commun avec le reste des partenaires d’entraînement. On est responsable de la qualité de nos reps. Si le standard d’amplitude de mouvement est élevé, tout le groupe s’y pliera, mais le contraire est aussi vrai avec les conséquences qui en découlent en compétition et sur la mobilité à long terme. Il n’est pas rare de voir un athlète devenir meilleur lorsqu’il apprend à coacher un de ses partenaires d’entraînement. Le fait de prendre du recul et de voir l’application de l’intensité sur quelqu’un d’autre que nous, nous permet de simplifier le concept pour nous- mêmes. Nous demandons à nos partenaires d’entraînement d’être responsables de leur attitude, de leur intensité, de leur mouvement. Logiquement, il devient difficile de ne pas faire pareil pour nous-mêmes. Et par le fait même, on s’assure que le groupe va se charger de nous rappeler nos responsabilités d’athlète. Apprendre grâce à son groupe d’entraînement que l’attitude et l’intensité sont des choix, et qu’on peut s’entraîner à les maximiser tous les jours, est très important dans notre objectif de maximisation de l’intensité.
Pour conclure, entraînez-vous en groupe, car c’est un des meilleurs moyens d’augmenter votre intensité et par le fait même votre performance. Une des craintes de beaucoup d’athlètes est de contribuer excessivement aux progrès de leur groupe d’entraînement, au point d’être dépassés par leurs partenaires. C’est une éventualité, mais cela devrait seulement vous inquiéter si vous étiez le numéro 1 mondial et que vous vous entraîniez avec les numéros 2 et 3 mondiaux. Pour le reste, formez un groupe où le n°1 mondial pourra émerger et croyez-nous, peut-être que vous ne serez pas ce n°1, mais vous serez bien meilleur que vous n’auriez jamais pu l’être si vous vous entraîniez tout seul !
Matthieu Dubreucq
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